La Didachè (10.1), un livre datant de la seconde partie du premier siècle, écrit par des chrétiens juifs, et les épîtres de Smyrne (8.1-2), écrites par Ignace d’Antioche à la fin du premier siècle confirment cela. Tout comme Paul en 1 Corinthiens 11, ces auteurs nous indiquent qu’une agape précédait en général le repas du Seigneur. Cette habitude était probablement due à deux raisons:
Pourquoi à ce moment? Parce qu’il y avait un parallèle indéniable entre les événements qui avaient mené à la libération physique des Juifs et ceux qui allaient mener à la libération spirituelle des élus de Dieu. Presque tout dans la Pâque était une image de ce que Christ allait faire. Les Juifs étaient opprimés par Pharaon. Avant la venue de Jésus, les hommes étaient opprimés par Satan. Dieu voit nos souffrances. Il se soucie de nous et il entend nos prières. Tout comme il envoya Moïse aux Juifs, Dieu fit venir Christ pour orchestrer notre libération. Selon Deutéronome 18.18 Moïse était une image du Christ. Il prévint Pharaon et les siens, qui avaient leurs cœurs endurcis, que Dieu était furieux contre eux et allait les punir avec l’ange de la mort. Un jour, Dieu va également exercer son jugement sur ce monde et faire périr les incrédules. Que devaient donc faire les Juifs qui voulaient s’en sortir? Tuer un agneau sans défaut et mettre de son sang sur les poteaux et les linteaux des portes de leurs maisons. Et quand le soir vint, l’ange vengeur de Dieu épargna les foyers qui étaient protégés par ce sang. Il passait et laissait tranquille les maisons qui étaient sous la protection du sang de l’agneau (ce qui explique le terme hébreu pour la Pâque: « pessa’h » et en anglais « Passover »). Cet agneau était une image du Christ, qui selon le Nouveau Testament est notre agneau (1 Cor 5.7). Jean disait par exemple en Jean 1.29 et 36: « ... ». L’agneau donnait sa vie pour sauver ceux qui étaient prêts à se soumettre à Dieu.
Êtes-vous aujourd’hui sous la protection du sang de l’agneau? Votre maison (je veux dire par là vos bien-aimés) est-elle aussi couverte par le sang de Jésus? Cette histoire doit nous faire réfléchir. Qu’avez-vous fait, non seulement pour être protégé vous-mêmes par Jésus, mais aussi pour protéger les vôtres? Il me semble qu’en particulier, le père de famille a une responsabilité énorme dans ce domaine. À votre avis qui mettait probablement le sang sur les poteaux dans chaque foyer? (Exode 12.21)
Mais revenons à cet agneau. Que faisait les familles du reste de l’agneau qu’ils avaient sacrifié? Ils le mangeaient avec du pain sans levain (Exode 12.19), symbole de leur empressement de partir. C’est pour cette raison qu’en Exode 12.8-11, nous lisons ceci: « ... ». Ils mangeaient donc au départ debout, le bâton à la main, les sandales aux pieds. En mangeant l’agneau, en un sens, ils allaient prendre la force nécessaire pour leur voyage vers la terre promise. Mais avant de partir, ils devaient consommer tout l’agneau. Ces choses sont symboliques. Pour avoir la force d’aller au ciel, il nous faut Christ dans notre homme intérieur. Et nous ne pouvons pas le prendre en partie, dire: « Ça j’aime en lui! Ça je n’aime pas et je le laisse de côté! » Non il faut tout accepter de lui! Christ s’acquière en une pièce, pas en différentes parties. Soit on prend tout, soit on ne prend rien!
Donc chaque année, à partir de là, les Juifs devaient commémorer cette libération qu’ils avaient vécue, en prenant la Pâque. La fête durait 7 jours durant lesquels ils se débarrassaient de tout levain et ne faisaient aucun ouvrage, sauf la préparation des repas. Ils sacrifiaient toujours un agneau et le consommait lors d’un repas, le 14e jour du 1er mois de l’année. C’était une occasion de se rappeler ce que Dieu avait fait pour eux, mais aussi de raconter à leurs enfants et aux visiteurs quel genre de Dieu ils servaient (voir Exode12.24-27). Nous avons encore ici un beau parallèle. Mais ce que je veux que vous remarquiez, c’est qu’il était approprié que Jésus soit crucifié lors de la Pâque. Il n’aurait pas pu choisir un meilleur moment pour manifester le but de son sacrifice et son identité. Et le repas pascal était l’instant idéal pour donner des instructions sur ce qui serait, 51 jours plus tard, le repas du Seigneur. La bible nous dit donc que Jésus réunit ses douze apôtres dans une chambre haute. Entre parenthèses, les habitants de Jérusalem avaient l’habitude de préparer des pièces pour que les juifs des villages lointains puissent célébrer la Pâque. Ils fournissaient en général une bassine d’eau et une serviette, mais la nourriture et l’agneau étaient la responsabilité des voyageurs. Il faut savoir aussi qu’à l’époque de Jésus, la plupart des Juifs ne mangeaient plus debout, mais couchés et le repas était accompagné de vin. Selon la tradition, à 4 moments différents, une coupe était distribuée. La Haggadah de Pessah, un ancien texte en hébreu, datant d’un peu moins de 2000 ans, nous révèle en détails les règles qui étaient suivies lors de ce repas. Ceci est important, nous y reviendrons plus tard lorsque nous lirons Luc 22.17. Pour l’instant, sachez que Jésus institua le repas du Seigneur durant la Pâque parce qu’il y avait un parallèle entre les deux.
Mais la Pâque n’était pas le repas du Seigneur et le repas du Seigneur n’était pas la Pâque. Il y a une claire distinction entre les deux. Un était réservé aux Juifs, l’autre est pour les chrétiens. Un célébrait une libération physique, l’autre une libération spirituelle. J’ai commencé à vous parler de la Pâque pour vous dire que de nombreux chrétiens au premier siècle associaient aisément le repas du Seigneur à un repas fraternel, puisque Jésus avait annoncé les règles du repas du Seigneur pour la première fois lors d’un repas pascal.
Il était plus simple pour beaucoup de réserver tout ce qui était du domaine des aliments pour la fin du culte, d’autant plus que les agapes et le repas du Seigneur avaient tous deux pour but, quelque part, de manifester l’unité et la communion fraternelle. Mais à nouveau, avoir des points en commun ne signifie pas que tout était pareil pour ces deux repas.
I. Doit-on prendre le repas du Seigneur dans le cadre d’une agape?
C’est en grande partie parce que les premiers chrétiens n’arrivaient pas à maintenir cette distinction et parce que les agapes absorbaient et étouffaient le repas du Seigneur, que les conducteurs du 2e siècle ont insisté pour bien séparer les agapes et le repas du Seigneur. Clément d’Alexandrie par exemple dénonçait ce problème à la fin du 2e siècle. Au temps de Justin (qui vécut entre l’an 100 et 165 PCN), les églises n’avaient donc plus cette habitude de mélanger les deux. Ils faisaient le culte tôt le matin, puis se séparaient et revenait le soir pour manger ensemble. Puis au fil du temps les agapes ont carrément été interdite (une loi a été promulguée à ce sujet par le Concile de Carthage en 398 PCN). Ce qui amène une question intéressante, ont-ils eu raison de faire ainsi? Je pense que la réponse est non pour l’interdiction, mais oui pour le fait de séparer.
C’est bien ce que Paul suggérait en 1 Corinthiens 11. En écrivant au verset 22: « N’avez-vous pas des maisons pour y manger et boire? », il voulait bien dire que si les chrétiens ne parvenaient à respecter le but de leurs agapes, ils pouvaient manger chez eux. Ceci me montre que les agapes le dimanche n’étaient pas obligatoires. Elles étaient instituées par l’homme et non par Dieu. Elles étaient utiles mais pas indispensables. Par contre, le repas du Seigneur vient de Dieu. En contraste avec les agapes, Paul n’a jamais dit: « si vous pervertissez le sens du repas du Seigneur, prenez le à la maison! » Le repas du Seigneur, lui, est quelque chose d’indispensable et d’irremplaçable. Il était une des raisons majeures pour lesquelles les premiers chrétiens se réunissaient chaque dimanche.
II. Quel jour et à quelle fréquence doit-on prendre le repas du Seigneur?
Avant de terminer je veux vous montrer cela. Deux sources me permettent d’affirmer qu’ils se retrouvaient tous les dimanches pour prendre le repas du Seigneur: la bible et les documents historiques non-bibliques.
Nous avons lu la semaine dernière dans le même chapitre la section qui va du verset 44 au verset 47. De quoi parlait-elle? De la vie de tous les jours pour les premiers chrétiens. Ce passage nous a montré comment ils vivaient en communauté, comment ils partageaient leur nourriture et leurs biens. Mais juste au dessus de cette section, aux versets 41 et 42, nous avons un passage qui parle de la manière dont ils rendaient un culte à Dieu. Nous sommes dans le cadre de l’adoration. Nous lisons ceci: « ... ». Deux choses à remarquer:
Est-ce que le terme vous a l’air bien choisi si les premiers chrétiens prenaient le repas du Seigneur uniquement une fois par an, à la Pâque? Non! L’église venait juste d’être fondée et pourtant juste après, ils persévéraient déjà dans l’enseignement des apôtres, la communion fraternelle, les prières et la fraction du pain. Le choix des mots est adéquat si nous avons une pratique quotidienne, hebdomadaire, à la limite mensuelle, mais pas annuelle.
Y a-t-il une autre indication sur la fréquence dans la bible? Oui, allez en Actes 20.7. Paul et ses compagnons vont se joindre ici à une réunion de l’église. Quel est le jour de la semaine? Lisons ensemble: « ... ». Il s’agit du premier jour de la semaine. C’est un dimanche! Ceux d’entre vous qui ont une bible en français courant, sachez qu’il y une erreur de traduction au verset 7. Il est écrit en grec: « et au premier jour de la semaine du Sabbat ». Le Sabbat était le 7e jour d’une semaine juive, c’est à dire un samedi. Le premier jour était un dimanche. Comme nous allons le voir dans un instant, les premiers chrétiens se réunissaient le dimanche pour célébrer la résurrection du Christ (Jean 20.1-2) et non le samedi. Mais selon Luc ici, par quel acte les premiers chrétiens se rappelaient-ils de la résurrection du Christ? Par le partage du pain. Ils étaient assemblés pour prendre le repas du Seigneur. Certainement ils priaient et ils louaient Dieu aussi. Le texte précise également qu’ils reçurent un enseignement apostolique par Paul lui-même. Mais un des buts principaux de leur rencontre était de rompre le pain. C’est pour cette raison qu’en 1 Corinthiens 11.20, Paul va faire ce reproche aux Corinthiens: « ... ». Leurs réunions du dimanche auraient dû avoir ce but, comme à Troas.
Ce n’est pas tout, retournez en Actes 20. Le contexte de ce passage suggère en plus que le dimanche était le seul jour où l’église partageait ce repas. Comment est-ce que je vois cela? Regardez au verset 16, nous lisons: « ... ». Paul était donc pressé d’arriver à Jérusalem. Pourquoi alors avait-il passé 7 jours à Troas, qui est une toute petite ville? Nous pouvons déduire en partie ses raisons, si nous regardons quand il repartit. Lisons à nouveau les versets 6 à 11: « … ». Quel jour Paul est-il reparti? Un lundi, après avoir mangé son petit-déjeuner, pas après avoir pris le repas du Seigneur. D’ailleurs l’expression « Il rompit le pain » n’est pas au pluriel, ce qui indique qu’il a déjà pris le repas du Seigneur. Si Paul est reparti un lundi, quel jour est-il arrivé à Troas? Le lundi d’avant. Pourquoi est-il resté toute une semaine à Troas et pas juste quelques jours? Parce qu’il voulait rencontrer tous les chrétiens, être là pour une de leur assemblée, pour rompre le pain avec eux et que cela n’arrivait que tous les dimanches. Le dimanche était pour les premiers chrétiens le jour du Seigneur.
1 Corinthiens 16.1-2 renforce l’idée que le repas se prenait chaque dimanche puisque c’était aussi le jour où ils devaient préparer chez eux, avant de quitter leur domicile, ce qu’ils allaient mettre à la collecte.
La Didachè dit au chapitre 14.1: « Chaque jour du Seigneur, rassemblez-vous, rompez le pain et rendez grâce à Dieu! ».
Justin, un des Pères de l’église écrivit ceci:
Après cela, dans la suite, nous renouvelons le souvenir de ces choses entre nous. Ceux qui ont de l’argent viennent en aide à tous ceux qui sont dans le besoin, et nous nous prêtons mutuellement assistance. Dans toutes nos offrandes, nous bénissons le Créateur de l’univers par son Fils Jésus-Christ et par l’Esprit-Saint. Le jour qu’on appelle le jour du soleil, tous dans les villes et à la campagne, se réunissent dans un même lieu: on lit les mémoires des apôtres et les écrits des prophètes, autant que le temps le permet. Quand le lecteur a fini, celui qui préside fait un discours pour avertir et pour exhorter à l’imitation de ces beaux enseignements. Ensuite nous nous levons tous et nous prions ensemble à haute voix. Puis, comme nous l’avons déjà dit, lorsque la prière est terminée, on apporte du pain avec du vin et de l’eau. Celui qui préside fait monter au ciel les prières et les eucharisties autant qu’il peut, et tout le peuple répond par l’acclamation Amen. Puis a lieu la distribution et le partage des choses sacrées à chacun et l’on envoie leur part aux absents par le ministère des diacres. Ceux qui sont dans l’abondance, et qui veulent donner, donnent librement chacun ce qu’il veut, et ce qui est recueilli est remis à celui qui préside, et il assiste les orphelins, les veuves, les malades, les indigents, les prisonniers, les hôtes étrangers, en un mot, il secourt tous ceux qui sont dans le besoin. Nous nous assemblons tous le jour du soleil, parce que c’est le premier jour, le jour, où Dieu, tirant la matière des ténèbres, créa le monde, et que, ce même jour, Jésus-Christ notre Sauveur ressuscita des morts. La veille du jour de Saturne, il fut crucifié, et le lendemain de ce jour, c’est à dire, le jour du soleil, il apparut à ses apôtres et à ses disciples et leur enseigna cette doctrine, que nous avons soumises à votre examen.
Première Apologie de Justin, chapitre 67. Justin vécut entre l’an 100 (date de sa naissance) et l’an 165 (date de sa mort).
Pour le reste, voir annexe.
Conclusion:
Je termine en vous faisant réfléchir à ceci. Que feriez-vous pour être invité à un banquet si Jésus allait s’y trouver? Le rateriez-vous pour quoi que ce soit au monde? La bible nous dit qu’aujourd’hui nous sommes invités à sa table. Dimanche prochain aussi et le dimanche suivant encore. Vous en fatiguerez-vous? Laisserez-vous quelque chose vous détourner de cette invitation? J’espère que non. Prions ensemble: « ... »